Elle est venue me parler, comme ça, après dix ans d'absence. Ce
n'était pas qu'elle m'avait manqué. Elle n'avait joué qu'un rôle secondaire
dans ma vie, presque une figuration. Son visage auparavant si joyeux était à
présent ravagé de ce qui me semblait être une fatigue intense. Erreur. C'était
la drogue. Encore et toujours ce serpent vorace assaillant même les plus purs
de ce monde. Si vous l'aviez vu, une décennie plus tôt, jamais vous n'auriez
cru à ces crevasses qui forment aujourd'hui son visage. Je me rappelai qu'il
n'y a pas si longtemps je devais avoir l'air à peu près semblable. Moi non
plus, vous ne l'auriez pas cru à l'époque. Pourtant comme tout cela semblait
avoir du sens dans ma vie ! Et toujours le serpent rode, prêt à m'assaillir au
moindre signe de faiblesse.
Si je suis plus fort depuis quelque
temps, c'est en partie parce que j'ai arrêté et en partie parce que j'ai peur
du serpent. C'est bien de se l'admettre. Maintenant, il me faut briser cette
peur. Mieux, il me faut en rire. Parce qu'il n'y a rien de pire au monde que de
respecter ses peurs. C'est comme s'abaisser devant son bourreau. Se mettre
directement la corde au cou. Et mon cou, plus jamais, ne souhaite se faire
enchaîner.
Je suis un chien sans laisse. Et quand
j'ai vu la junkie, je n'avais qu'une seule envie: grogner. Grogner de toute ma
gorge pour la fuite du serpent venimeux.
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