mercredi 12 mars 2014

La junkie

Elle est venue me parler, comme ça, après dix ans d'absence. Ce n'était pas qu'elle m'avait manqué. Elle n'avait joué qu'un rôle secondaire dans ma vie, presque une figuration. Son visage auparavant si joyeux était à présent ravagé de ce qui me semblait être une fatigue intense. Erreur. C'était la drogue. Encore et toujours ce serpent vorace assaillant même les plus purs de ce monde. Si vous l'aviez vu, une décennie plus tôt, jamais vous n'auriez cru à ces crevasses qui forment aujourd'hui son visage. Je me rappelai qu'il n'y a pas si longtemps je devais avoir l'air à peu près semblable. Moi non plus, vous ne l'auriez pas cru à l'époque. Pourtant comme tout cela semblait avoir du sens dans ma vie ! Et toujours le serpent rode, prêt à m'assaillir au moindre signe de faiblesse. 

Si je suis plus fort depuis quelque temps, c'est en partie parce que j'ai arrêté et en partie parce que j'ai peur du serpent. C'est bien de se l'admettre. Maintenant, il me faut briser cette peur. Mieux, il me faut en rire. Parce qu'il n'y a rien de pire au monde que de respecter ses peurs. C'est comme s'abaisser devant son bourreau. Se mettre directement la corde au cou. Et mon cou, plus jamais, ne souhaite se faire enchaîner. 


Je suis un chien sans laisse. Et quand j'ai vu la junkie, je n'avais qu'une seule envie: grogner. Grogner de toute ma gorge pour la fuite du serpent venimeux. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire