vendredi 31 janvier 2014

Fiction du vin

«Mon passé ? Mais en quoi ça peut bien te foutre de t'intéresser à mon passé ?»

Les mots étaient sortis trop vite sous l'impulsion de l'irritation. C'était pas bon. C'était toujours dans ces moments-là que je devenais violent.

«Fâche-toi pas, j'essaye juste de m'intéresser un peu à toi»

Il était là, nu comme un ver, dans mon lit. Il était aussi nu que la sculpture de David et pourtant j'avais juste envie qu'il se rhabille. J'avais juste envie qu'il parte.

«Mon passé, c'est mon passé et t'as aucunement le droit de m'en parler. En fait, j'ai pas besoin qu'on s'intéresse à moi. Tu peux arrêter d'essayer»

Il n'avait pas l'air de comprendre la guerre sanglante qui se jouait en mon visage. Il ne comprenait jamais rien. 

«Je suis là, maintenant, live. Pourquoi t'aurais besoin d'en savoir plus ? C'est pas assez ? »

«Arrête Sam. J'ai compris »

«J'ai pas de passé. Pose-moi pu c'te genre de question-là»

«D'accord»

Le silence fut long pendant longtemps. En fait, je dis silence, mais ce n'est pas entièrement vrai. Le disque d'Harmonium que j'avais mis achevait et je redoutais le vide, le vrai, celui qui arriverait après la chanson. Pourquoi après le sexe venaient toujours les discussions les plus inintéressantes ? J'avais juste envie de baiser. J'avais pas besoin qu'il me parle de ça. 

Je me suis levé pour remplir mon verre. Le vin commençait vraiment à me monter à la tête. Pourtant j'en voulais toujours plus. Un vrai trou. Il m'a regardé bizarre après que j'aie rempli mon verre. 

«T'en veux ?»

«Non merci. J'en ai bu assez pour à soir»

«Comme tu veux»

De toute façon, j'avais juste dit ça pour être poli. Tant mieux s'il n'en prenait pas. Ça en faisait plus pour moi. Surtout une bonne bouteille comme ça. Si j'avais pu, je me le serais injecté directement dans les veines. 

J'avais chaud. C'était absurde. J'étais absurde et saoul et complètement nu. Tiens, remarquais-je, il n'y a plus de musique. Habituellement, je me serais levé pour aller mettre un autre album. Mais pas ce soir. Peut-être que c'était de ça que j'avais besoin ? Du silence pur et brut. Y'a rien de mieux pour me relaxer. 

Mais évidemment il se remit à parler, probablement pour couvrir le malaise lourd et sale que j'avais introduit dans mon lit. Je l'écoutais à moitié, faisant des mhmm et des ah bon de temps en temps. C'était pas du tout important tout ça. C'était remuer de l'air pour une simple brise. Moi, j'avais envie d'un ouragan. 

Après un court laps de temps et une coupe de vin, je décidai que ça en était assez. Je lui sautai dessus. Ça, ça lui en a boucher un coin. Ou deux. Il n'a pas reparlé après ça. Il s'est endormi bien vite après sa petite mort. Et moi, je restai là à attendre qu'il s'endorme. 


Lorsqu'il se réveilla, je n'étais plus là. 

dimanche 26 janvier 2014

Écriture automatique

Je ne sais que faire de tout ce bouillonnement qui frissonne mon corps. C'est comme si je canalisais cent mille énergies à la fois sans pourtant réussir à en synthétiser une seule. L'énergie pénètre par mes jambes et remonte tout le long de ma colonne jusqu'au haut de mon dos. Sur mon crâne danse une couronne pourpre qui tangue sous la flamme de l'univers. Je respire cet air nouveau qui balaie la terre aussi vieille que l'éternité. Et je me sens renaître de mes cendres. Voilà toute ma force: je suis un phénix qui ne cesse de vivre les renaissances de tous moments. Je ne peux endurer plus que quelques instants un stade de ma conscience. Il me faut le mouvement. Il me faut bouger. Je dois me sentir connecter à cette terre qui m'habite. Je dois vivre à cent cinquante millions de kilomètres à la seconde tout en possédant la sagesse de savoir savourer un instant aussi longuement qu'une vie. Voilà le paradoxe fort simple de mon existence.


Alors que je passe la nuit debout et que je n'ai point connu de sommeil depuis plus de vingt-quatre heures, je sens la valse de la vie qui me rattrape. L'insomnie est parfois ma seule amie, mon seul espoir avant l'aube et je me dois de la chérir. Le sol tangue sous mes pieds alors que j'essaie en vain de me créer un centre de gravité. C'est comme ça la vie: parfois on tente de se stabiliser et pourtant tout glisse vers le néant. Je dois survivre jusqu'à l'aube pour vivre le septième ciel. C'est comme ça. Point. 

samedi 25 janvier 2014

Le rugissement du lion

Ô lion de feu habitant mon corps
Qui rugit, lumière d'un vacarme orageux
Sur mon âme, ton souffle de vie est d'or
Et découvre de tous nuages mon ciel ténébreux

Je vois à présent et pour la première fois
Le soleil, ma source inépuisable d'inspiration
Sur ma peau, la chaleur inébranlable de ses rayons
Atteint mon espoir et, en la vie, m'a redonné foi

Cet hiver, je n'ai plus peur de le confronter
Plus jamais mon coeur ne se laissera givrer
Car je m'élève, ô oui, je me sens vibrer
Des hauteurs d'une sagesse empreinte de liberté

Et je vois, enfin, de cette montagne incommensurable
L'appel des horizons de l'inconnu, quelle familiarité !
Je flotte la teinte empreinte de rythmes endiablés 
Et les pieds, par la terre, enracinés dans l'éternité


lundi 13 janvier 2014

L'Odyssée du lion: le cinquième jour, ou le lion amoureux du soleil

«J'ai une crinière d'or reflétant les rayons les plus puissants
De l'astre de feu qui brûle en mon cœur
J'ai une volonté de fer qui ne connaît guère les leurres
Je suis léger, je pense profond, je vis vaillamment

Le soleil me brûle le corps tout entier
Je n'ai jamais rien connu de tel
Les vents inconnus de la hauteur m'appellent
Je suis ma voie, mon seul et unique sentier 

De la destinée, je ne connais pas
Je décide plutôt d'expérimenter ma propre foi
Quand rien ne semble adéquat pour moi
Il faut savoir vivre hors la loi

Des valeurs et des dogmes insidieux
J'en ai vu des milliers, du perçant de mes yeux
Je refuse d'avaler ces pensées du peureux
Je suis, et resterai toujours, mon propre dieu

Puisses-tu me guider de ta force surhumaine
Ô toi, étoile de vie, lumière de force
Je pousserai bientôt ce rugissement de mon abdomen
Pour que dans l'éternité, tu incendies mon insatiable torse»

Ainsi parla le lion au Soleil 
Vermeille, précieux et sans pareil
Courant droit devant vers son but
De son bonheur le plus brut

samedi 11 janvier 2014

L'Odyssée du lion: le quatrième jour, ou comment le lion fit halte le temps d'une dernière nuit

Le lion fit halte au quatrième jour et s'installa près d'un lac tranquille au milieu de la forêt. Le crépuscule prenait naissance et le lion se préparait à faire ses adieux. En effet, il devra saluer une dernière fois sa grande amie, la nuit, avant d'effectuer son périple, sa bataille ultime pour la liberté. Le lion était plein de chagrin, car la nuit avait toujours été son royaume. Bien plus que cela, elle avait été sa plus grande complice. Lorsque les journées n'avaient plus rien à offrir au lion, c'était la nuit qui lui faisait asile. Lorsqu'il se sentait plus que rejeté par ce monde auquel il n'adhérait pas, c'était dans la nuit qu'il avait trouvé son plus grand refuge. La nuit était tout pour lui et il voulait lui rendre tout son amour en cette soirée du Quatrième jour.

Lorsque le soleil fut depuis longtemps couché et que la lune atteignit son zénith, plus aucune larme ne perlait aux yeux du lion. Pourquoi pleurer une si grande amitié ? Ce n'était pas que de lui rendre hommage en pleurnichant de la sorte. Alors il se releva et se rapprocha du lac dans lequel il observa son reflet. Il y vit la lune, grandiose et solitaire dans un ciel sombre couvert de nuages. Dommage qu'il n'y ait pas eu les étoiles puisque le lion aimait bien ces petites âmes scintillantes qui accompagnaient l'astre lunaire dans sa trajectoire. Il se détourna du lac et se laissa couvrir par la brise calme du vent nocturne.

En vérité, le lion était un être de nuit. Tout le sang coulant en lui provenait de la nuit la plus sombre et brumeuse qu'il n'y avait pas. Pourtant, il lui fallait tuer la nuit pour vivre entièrement du soleil. Ce n'était que de cette façon qu'il parviendrait à recouvrir l'équilibre précaire de sa vie. Ce n'était pas un adieu véritable, seulement un hommage à son passé qu'il tenait à rendre avant de pousser son premier rugissement. Le lion était né d'une volonté et d'un espoir aussi brûlant que le soleil à son midi et d'une profondeur aussi insondable que la lune par temps nuageux. Et cela, il ne l'oubliera jamais.

Un peu avant l'aube, le lion parla ainsi: «Amie, nous partons tous les deux dans des directions complètement opposées et pourtant nos chemins ne pourraient être plus liés. Pardonne-moi ce départ, mais je me dois d'écouter mon cœur et il désire le soleil. Il a besoin du soleil. Il l'exige de son énorme voix et je me dois de l'écouter. Le jour où la volonté d'un individu sera contraire à la voix de son cœur, ce sera la fin de son règne et le début de sa déchéance. Nuit, j'espère plus que tout te retrouver dans une prochaine vie. Puisse ton immense clémence et ton amour pour les âmes solitaires ne jamais changer ! Je ne t'oublierai jamais. »

Le lion prit le temps d'apprécier la nuit jusqu'à ces dernières secondes. Il se laissa bercer par le calme, les yeux fermés, mais les sens enivrés de son amie. 


Alors le lion s'en alla, aussi léger que l'air. Ses pas le menèrent, candides, vers l'Aube naissante d'une merveilleuse journée.  

mardi 7 janvier 2014

L'Odyssée du lion: le troisième jour, ou comment le lion fit de ses observations une terrible conclusion

Au troisième jour, le lion
De son invisibilité, déambula
Les avenues glaciales de son ascension
Et en lui eut lieu tous les débats

D'abord, il n'y a point de bien
Et point de mal; seulement la réalité
Ne les cherchez pas, car en vain
Sur une impossibilité, vous chuterez

Ensuite, tout ce produit pour une raison
Mais ne cherchez point de raison à l'action
Telle la beauté, elle est inexplicable 
Et d'admettre le contraire serait l'irréparable

Et, parlant de la beauté, elle est en toutes choses
Elle ne connaît aucune valeur préétablie
Et en elle règne la subjectivité; gloire à celui qui ose
Tenir les rênes rebelles de son interne poésie !

Certes, le lion comprit énormément en disparaissant
Le monde n'était peut-être pas prêt pour lui
Mais qu'en a-t-il à faire lorsqu'en lui brûle la vie ?
Et qu'elle ne connaisse la satiété, l'aveugle épanouissement ?

Le lion comprit aussi qu'il devra bientôt rugir
À ses pieds, la patrie qu'il tente d'atteindre, d'unir
Et qu'il tantôt cherchait tant à fuir
Devra, sous son poids, fléchir 
Ou alors mourir


Alors le lion comprit que la première bataille se mènera au cœur même de sa patrie

dimanche 5 janvier 2014

L'Odyssé du lion: le deuxième jour, ou comment le lion parvint à devenir invisible

Au deuxième jour, le lion pleura
Devant l'immensité qu'était sa quête
Il arriva à ce simple constat :
Se battre, pour éviter la reconquête

Son cœur se remplit du désespoir brûlant
Habitant ces contrées inhospitalières 
Dans lesquelles il devrait vivre, régnant
Aussi glorieusement que son royaume d'Hier

Si c'était cela le monde, peut-être avait-il
fait la plus grande erreur de sa vie
Peut-être aurait-il dû rester sur son île ?
Où il pouvait laisser aller librement ses appétits

Mais ce monde-ci n'était pas son habitat
Et il était bien loin d'être invincible
Alors le lion arriva à ce second constat :
Pour survivre, il devra devenir invisible

Alors le lion disparut de tous regards


jeudi 2 janvier 2014

L'Odyssé du lion: le premier jour, ou comment le lion se réveilla d'un long et profond sommeil

Au premier jour le lion se leva
Et de ses yeux voilés observa
La cruauté régnante, joliment cruelle
D'un monde auquel il n'appartenait pas

Alors il décida de se recoucher.

Le prince est mort ! Longue vie au roi !

Terminée la brumeuse épopée
De l'enfant mature, buzzé
Voici maintenant venir, candide
Le règne du lion lucide