«Mon passé ? Mais en quoi ça peut bien te foutre de t'intéresser à
mon passé ?»
Les mots étaient sortis trop vite sous
l'impulsion de l'irritation. C'était pas bon. C'était toujours dans ces moments-là que je devenais violent.
«Fâche-toi pas, j'essaye juste de
m'intéresser un peu à toi»
Il était là, nu comme un ver, dans mon
lit. Il était aussi nu que la sculpture de David et pourtant j'avais juste
envie qu'il se rhabille. J'avais juste envie qu'il parte.
«Mon passé, c'est mon passé et t'as aucunement le droit
de m'en parler. En fait, j'ai pas besoin qu'on s'intéresse à moi. Tu peux
arrêter d'essayer»
Il n'avait pas l'air de comprendre la
guerre sanglante qui se jouait en mon visage. Il ne comprenait jamais
rien.
«Je suis là, maintenant, live. Pourquoi t'aurais besoin
d'en savoir plus ? C'est pas assez ? »
«Arrête Sam. J'ai compris »
«J'ai pas de passé. Pose-moi pu c'te genre
de question-là»
«D'accord»
Le silence fut long pendant longtemps. En
fait, je dis silence, mais
ce n'est pas entièrement vrai. Le disque d'Harmonium que j'avais mis achevait
et je redoutais le vide, le vrai, celui qui arriverait après la chanson.
Pourquoi après le sexe venaient toujours les discussions les plus
inintéressantes ? J'avais juste envie de baiser. J'avais pas besoin qu'il me
parle de ça.
Je me suis levé pour remplir mon verre. Le
vin commençait vraiment à me monter à la tête. Pourtant j'en voulais toujours
plus. Un vrai trou. Il m'a regardé bizarre après que j'aie rempli mon verre.
«T'en veux ?»
«Non merci. J'en ai bu assez pour à soir»
«Comme tu veux»
De toute façon, j'avais juste dit ça pour
être poli. Tant mieux s'il n'en prenait pas. Ça en faisait plus pour moi.
Surtout une bonne bouteille comme ça. Si j'avais pu, je me le serais injecté
directement dans les veines.
J'avais chaud. C'était absurde. J'étais
absurde et saoul et complètement nu. Tiens, remarquais-je, il n'y a plus de musique. Habituellement, je me serais levé
pour aller mettre un autre album. Mais pas ce soir. Peut-être que c'était de ça
que j'avais besoin ? Du silence pur et brut. Y'a rien de mieux pour me
relaxer.
Mais évidemment il se remit à parler,
probablement pour couvrir le malaise lourd et sale que j'avais introduit dans
mon lit. Je l'écoutais à moitié, faisant des mhmm et
des ah bon de temps en temps. C'était pas du tout
important tout ça. C'était remuer de l'air pour une simple brise. Moi, j'avais
envie d'un ouragan.
Après un court laps de temps et une coupe
de vin, je décidai que ça en était assez. Je lui sautai dessus. Ça, ça lui en a
boucher un coin. Ou deux. Il n'a pas reparlé après ça. Il s'est endormi bien
vite après sa petite mort. Et moi, je restai là à attendre qu'il
s'endorme.
Lorsqu'il se réveilla, je n'étais plus
là.