mercredi 26 mars 2014

Changer de cap pour voir cette facette inédite de la vie, celle qui n'était qu'un reflet d'une possibilité antérieure. Trouver une nouvelle trajectoire et monter à pieds joints sur celle-ci pour voir un peu de paysages. Tourner et tourner jusqu'à en être étourdit par le vent de la liberté et le sens de la gravité qui tient mes pieds biens ancrés dans ce sol riche et nouveau qui resplendit de sa fertilité. Planter une graine, simplement pour la voir pousser, prendre de l'expansion et toucher le ciel des possibilités. Ramasser son fruit si juteux, si vivant, chaque jour, sans jamais être rassasié et toujours en restant sur son appétit. Boire. Boire, comme jamais auparavant on aura bu, à même la source dans laquelle l'arbre prend racine. Boire jusqu'à en s'étouffer et tousser tout ce qui a de plus laid hors de soi pour l'expulser hors du jardin immaculé et ne plus jamais le revoir. Et nager jusqu'aux plus bas fonds de ce lac pour en ressortir que lorsqu'il n'y a plus une once d'oxygène dans les poumons et que la première respiration devient alors jouissance. Et alors, le ciel de se montrer dans toute sa nudité la plus profane, la plus nihiliste, la plus sauvage, et qui murmure, de ses ouragans silencieux, cette vieille chanson, tant reprise, qui a un air si doux, une mélodie si envoûtante et qui berce le monde depuis avant même qu'il soit chérubin. Puis, j'ouvre les yeux. 


Tiens, j'aurais juré que le soleil se couchait à l'ouest et non au sud. 

lundi 24 mars 2014

Volonté de puissance ramollie

Alors que je suis assis devant une magnifique journée aux reflets dorés et que je m'ennuie tranquillement, sans trop de désespoir, je ne cherche qu'un peu de délivrances aux douleurs d'un printemps tardif. Alors que je suis, monotone, cette même routine vicieuse porteuse d'aucun avenir avec une désinvolture sincère et inavouée, je ne cherche qu'une issue, une façon de voler loin d'un ennuie constant et désagréable. 

Alors que j'écris ces lignes, je cherche désespérément le soleil. Certes, j'ai autrefois été qualifié de rêveur, mais je ne me reconnais plus dans cette définition. Même la douce échappatoire qu'est la pensée n'arrive plus à rassasier mon appétit constant pour l'aventure. Je dois partir, courir, jusqu'au bout de cette terre pour ne plus voir ce monde de fou. Ce même monde dans lequel je tente, depuis bientôt dix-neuf ans, de me faire une place bien au chaud et qui reste, pourtant, bien hostile à ma soif. 

Suis-je un paresseux qui ne cesse de se plaindre ? Suis-je un pelleteur de nuage qui lit Nietzsche pour avoir bonne conscience ? Je suis en quête. Mais la quête est longue et les stupéfiants ne font qu'endormir mes sens assoiffés. Ce monde est malade. Et il est de plus en plus contagieux. 


mercredi 12 mars 2014

Coupure

Laisse-moi être clair avec toi. Il y a moi, maintenant, et il y avait un petit garçon. Tous les deux avons le même nom et pourtant deux vies complètements différentes. 


Il eut lui et là il y a moi. C'est tout. Ne cherche pas de lien. 

La junkie

Elle est venue me parler, comme ça, après dix ans d'absence. Ce n'était pas qu'elle m'avait manqué. Elle n'avait joué qu'un rôle secondaire dans ma vie, presque une figuration. Son visage auparavant si joyeux était à présent ravagé de ce qui me semblait être une fatigue intense. Erreur. C'était la drogue. Encore et toujours ce serpent vorace assaillant même les plus purs de ce monde. Si vous l'aviez vu, une décennie plus tôt, jamais vous n'auriez cru à ces crevasses qui forment aujourd'hui son visage. Je me rappelai qu'il n'y a pas si longtemps je devais avoir l'air à peu près semblable. Moi non plus, vous ne l'auriez pas cru à l'époque. Pourtant comme tout cela semblait avoir du sens dans ma vie ! Et toujours le serpent rode, prêt à m'assaillir au moindre signe de faiblesse. 

Si je suis plus fort depuis quelque temps, c'est en partie parce que j'ai arrêté et en partie parce que j'ai peur du serpent. C'est bien de se l'admettre. Maintenant, il me faut briser cette peur. Mieux, il me faut en rire. Parce qu'il n'y a rien de pire au monde que de respecter ses peurs. C'est comme s'abaisser devant son bourreau. Se mettre directement la corde au cou. Et mon cou, plus jamais, ne souhaite se faire enchaîner. 


Je suis un chien sans laisse. Et quand j'ai vu la junkie, je n'avais qu'une seule envie: grogner. Grogner de toute ma gorge pour la fuite du serpent venimeux. 

Sangsue

Tu voles comme tu respires. Parasite que tu es, tu ne peux vivre sans l'existence de l'autre. Tu gruges et tu dévores, à tour de rôle, énergie, joie et déprime. As-tu seulement une existence extérieure à l'autre ? Si l'on coupait du jour au lendemain tous les ponts, sombrerais-tu dans le néant de l'existence ? Que serions-nous sans les sangsues de notre vie ? Irions-nous beaucoup plus loin sans ce fardeau, ce boulet qui nous retient comme un prisonnier ? Ne t’agrippe pas à moi, par pitié ! Mon âme est faite pour voler et toi tu as comme ambition de ses ailes lui amputer ! Assassin, sans destin ! De quoi as-tu peur ? De quoi souffres-tu ? Allez, ce n'est pas sain que cette existence ! Allez, invente-toi donc une réalité !

Le lion et la tempête

Hier, c'était le printemps. À vrai dire, ce n'était qu'un mince aperçu, une oasis perdue au milieu de l'hiver, comme venu pour nous narguer. Hier, c'était le printemps et un feu de joie brûlait en mon cœur. On voyait les gens heureux, on sentait l'air chaud sur notre peau et des bouts de gazon criaient alléluia à la photosynthèse. 

Hier, j'ai marché, longuement, sans pour une fois ressentir l'envie de m'immoler vivant. Le soleil resplendissait de ses jours les plus heureux, miroitant la flamme du plaisir le plus brut. Hier, c'était le printemps. Et aujourd'hui ?

Aujourd'hui, l'oasis fut attaquée, brisée. Ce n'était qu'un mirage au milieu du blizzard, notre envie extériorisée au milieu de la grande dépression. J'ai réentendu les «j'ai hâte que ça soit l'été» qui ont tant ponctué mes journées de décembre à février. J'ai revécu le malaise. 


Mais cet hiver-ci n'a pas été comme les autres. Il m'a beaucoup appris, certes. Et je n'ai peur d'avouer d'en être ressorti vainqueur. Car cet hiver, j'ai appris la nécessité d'être guerrier. Oui, moi, être presque entièrement pacifiste, j'ai appris qu'à travers l'hiver on ne peut se laisser marcher sur les pieds. Ou bien on se bat, et ainsi on fait reculer la glace, ou bien on fige et on sombre. Et nous, peuple nordique, sommes le reflet même de ce climat. Il faut combattre la mauvaise influence, la réduire en morceaux et la détruire si l'on ne veut pas être détruit. Oui, j'ai hâte qu'il soit été sur mon pays. Mais je sais aussi que de s'enfermer dans cette nostalgie ne vient qu'accentuer le manque et la déprime. Bien des hivers passeront encore et aussi bien des étés. Il va falloir, tôt ou tard, s'y habituer. Ou alors mourir.